Pendant  que l’argument du chômage nourrit la crise  migratoire  par la méditerranée, à quelques 20 km d’Abidjan, des jeunes se tournent vers l’agro-pastorale pour se nourrir.  Ils ont passé  neuf mois de formation à la ferme pédagogique  Tshanfeto   d’Adiapodoumé, dans la commune de Songon.  Le Président du Groupe NSIA et la fondation éponyme ont apporté leur appui et en promettent encore.

Le premier jour  de juillet 2017 débute par une ambiance de réjouissance à la ferme pédagogique Tshanfeto, qui signifie «lève-toi » en langue Atchan.  Elle est située au sein de la paroisse Saint-Bernard d’Adiapodoumé, village de la commune de Songon, à 20 km de la capitale économique ivoirienne.

Dans moins d’une heure,  23 stagiaires verront neuf mois d’apprentissage sanctionnés de diplômes. Ils viennent d’être outillés aux  rouages  de l’élevage et de l’agriculture biologique. A présent, la caille, le lapin, le porc, entre autres,  n’ont plus de secret pour eux.  Ils savent utiliser le fertilisant naturel. En résumé, l’école apprend l’aviculture, la gestion des sols, la défense des cultures. Un module destiné à la commercialisation et au marketing agricole complète le programme.
Cette ferme étant une œuvre de religieux catholiques, une formation  humaine accompagne les compétences techniques. Ce, afin de se conformer à la doctrine sociale de l’église. Cependant, il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour y être accueilli et logé.

Des témoignages éloquents

Dans la  salle apprêtée pour la cérémonie de remise de diplômes, les parents et amis des récipiendaires prennent place. Endimanchée et avenante, Julie Yao est contente. Alors que la crise migratoire des jeunes fait la Une de l’actualité, sa cadette fait partie de la 18è promotion à l’honneur. Agée de 25 ans, N’guessan Pascale, la cadette est titulaire d’un Brevet de Technicien Supérieur en Logistiques. Julie Yao, elle-même propriétaire de parcelle cultivée, explique le choix de la famille. « Nous avons choisi cette formation pour qu’elle s’intéresse aux fondements de l’alimentation qui est l’agriculture et l’élevage typiquement bio », indique-t-elle. Toute petite, Pascale développe un amour pour les lapins. Elle est donc dans la droite ligne de sa passion. « C’est une belle expérience, elle nous apprend beaucoup à la maison », se réjouit Julie Yao.

Lorsqu’on interroge les récipiendaires, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’ils racontent leur aventure. Roland Azo Galé est de ceux-là. Sa surdité n’est pas un frein pour lui. Il est classé 8ème  à la fin de la formation avec une moyenne de 14/20. Il devient sourd à l’âge de 8 ans suite à un mal à l’oreille. Mais il  s’adapte dans le cursus scolaire normal. Il obtient ses diplômes jusqu’au baccalauréat. Face aux difficultés d’insertion du fait de son handicap, il se tourne vers la culture agro-pastorale et tombe amoureux de la méthode bio. Pour sa famille, il est une fierté. Son frère a effectué le déplacement d’Italie pour être présent à la cérémonie. « La famille est heureuse. Nous remercions Dieu. Notre frère pourra enfin s’autonomiser », est heureux Djemis Olivier Galé.

Une autre histoire racontée avec joie. C’est en tant que jeune maman qu’Ako Kousso Dorcas s’inscrit à la ferme pédagogique. Durant la formation, elle négocie le week-end pour s’occuper du nouveau-né. « L’agriculture est quelque chose que j’apprécie depuis longtemps. Je suis venue au sein de Tshanfeto pour avoir plus de connaissances dans la pratique. Ce n’était pas facile avec le bébé mais je tenais à cette formation. Je me sens apte aujourd’hui pour la production animale et végétale », indique-t-elle.

Son message aux jeunes migrants  de la Méditerranée sur des embarcations de fortune est sans appel : « L’agriculture est vraiment pénible mais aussi rentable. Elle est moins pénible que la traversée de la mer après le désert, d’après les images que nous voyons à la télévision. Que les jeunes ne se gênent pas de  se salir la main. L’argent qu’ils remettent aux passeurs peut servir pour leur installation et cela sera vite rentabilisé  », interpelle-t-elle. A l’en croire, « au niveau de la culture maraîchère, avec moins de 100 mille francs, après 45 jours, la récolte peut valoir 300 mille francs CFA sur une petite portion de terre. En cultivant du concombre sur 200 mètres carrés, on peut en  produire plus de 500 kg ».

Toute chose que confirme Loukou Stanislas, formateur au centre. Il est lui-même un produit de la ferme pédagogique. Il est heureux de pouvoir prendre en charge sa famille. Il reste  convaincu qu’il est suicidaire d’emprunter la mer à la recherche de l’eldorado. «  Les débouchées  existent. Des anciens stagiaires sont employés dans de grosses structures comme la SCB, le CNRA, d’autres travaillent chez des particuliers. Mais, il faut dire que la grande partie des formés s’installe à son propre compte. L’installation dans l’agriculture ne coûte pas grand-chose. Avec cinq mille francs CFA, si on a de la parcelle, on peut s’installer en production végétale en achetant un sachet de laitue à mille francs, un arrosoir à trois mille. Et avec ce sachet de laitue, on récolte si tout va bien, jusqu’à 80, voire 100 mille francs », explique le formateur.

Le père Hyacinthe Ali Konan, vicaire de la paroisse hôte, est le directeur de la ferme pédagogique. S’il est d’accord qu’elle aide à l’insertion des jeunes et à la lutte contre le chômage, il comprend ceux qui choisissent la mer et non la terre. « Il appartient aux pouvoirs publics de créer les conditions  pour emmener les jeunes à se prendre en charge sur place», recommande-t-il.

La méthode d’apprentissage mettant l’accent sur du « bio » séduit  le nonce apostolique Mgr Joseph Spiteri.  «  Tout ce qui est produit dans la ferme est un exemple réel  de sauvegarde de l’environnement, c’est de cela que nous avons vraiment besoin pour le futur de l’humanité », salut-il cette action d’atténuation  des changements climatiques.

La vision des religieux de Bétharram, initiateurs du centre place l’évangile comme le moteur de leur action. Cette vision est guidée par l’évangile du paralytique qui dit « lève-toi, prends ton brancard et marche ». Ce qui explique le choix du nom Tshanfeto.

L’appui de la Fondation NSIA 

Jean Kacou Diagou, PDG du groupe NSIA, parrain de la 18ième promotion, estime que ce centre fait partie des structures qui peuvent aider à l’insertion des jeunes. « Il n’y a pas mieux que de vivre  chez soi. Au lieu d’aller se faire noyer dans la Méditerranée après avoir souffert dans le désert ou dans les pays où on n’est pas toujours accepté, il vaut mieux faire des efforts pour apprendre un métier. La terre en Côte d’Ivoire et dans nos pays d’Afrique de l’Ouest est généreuse.  Elle ne demande que des bras pour permettre de la fructifier », galvanise-t-il.

Impressionné par le travail qui est fait dans le centre, le président du groupe NSIA se propose de le moderniser et de l’internationaliser. Il s’agit selon ses termes d’en faire un centre d’excellence sous régional. Ce, afin d’en faire bénéficier aux 10 pays couverts par la Fondation NSIA. Par ailleurs, la Fondation a offert un car à la ferme pédagogique.  L’ancien dirigeant du patronat ivoirien annonce également un véhicule double cabine  pour le centre. Sa sortie est accueillie avec joie à Tshanfeto.

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